mercredi 23 octobre 2013

J'ai composé le 119

La semaine dernière j'ai composé le 119 numéro d'urgence pour l'enfance en danger.
L'appartement que nous habitons, nous y sommes depuis deux ans et dans l'appartement juste au dessous du notre il y a une famille, un couple et ses deux enfants. L'immeuble date des années 60 et les murs ont des oreilles, de bonnes oreilles. On entend tout ce qu'il se passe à côté et en desssous, nous sommes au dernier étage. Et depuis deux ans dans la famille du dessous, on a pu constater que le père était très très autoritaire, que les parents se disputaient fort, que les parents disputaient fort les enfants, que les enfants pleuraient fort, bref que nous avions affaire à une famille très expressive car même lors que ça allait bien ça rigolait fort aussi. 
Mais au fil du temps, nous avons fini par avoir des doutes sur les relations intra familiales de nos voisins du dessous. J'ai fini par trouver usant d'entendre les enfants pleurer, la mère pleurer, le plus jeune garçon se faire disputer quasi chaque matin avant d'aller à l'école ...
Un soir, une dispute très violente a éclaté entre le couple, j'entendais beaucoup de bruits, les enfants pleuraient. J'ai eu très peur pour eux. J'ai voulu appeler la police, appeler le numéro d'urgence des femmes et enfants maltraités, mais je ne savais pas ce qui se passait, j'étais dans le doute le plus total,  j'ai attendu, je n'ai rien fait.
Et puis le petit garçon à continué à se faire disputer très fort quasi chaque semaine, on l'entendait pleurer trop régulièrement.
Jusqu'à la semaine dernière où le père s'est mis à hurler, où l'on a entendu des coups ( sur l'enfant ou sur des objets on n'en sait rien) et le petit garçon hurlait comme ce n'était pas permis, pas supportable. Mon mari m'a alors dit que c'était la deuxième fois cette semaine, aussi fort. Et là mon sang n'a fait qu'un tour, mon coeur de maman s'est mis en colère une bonne fois pour toute, j'ai pris le téléphone et j'ai composé le 119.
Le standard m'a très vite répondu, puis m'a dirigé vers un travailleur social. Et c'est là que c'est compliqué: j'ai été mise en attente 40 minutes avant de parler enfin à un professionnel de l'enfance.
40 minutes durant lesquelles il n'a pas été facile de résister à la tentation de raccrocher cédant sous la pression du remord, du doute, de la peur de créer des problèmes à cette famille, à ma famille si jamais ils venaient à découvrir, de la pression de mon mari qui grognait en face de moi car il dévollepait   au fur et à mesure des minutes d'attente , les mêmes craintes que moi...
J'ai finalement eu un professionnel en ligne à qui j'ai expliqué assez maladroitement ce qui me poussait à faire un signalement . Ses questions étaient précises: combien sont-il, qui est maltraité, avez vous le prénom du petit garçon ? J'ai du donner le nom de la famille par contre cela était obligatoire, j'ai du aller regarder sur la boîte aux lettres...je me suis sentie comme une délatrice, une intruse, une collabo mais l'important était que je le faisais pour une bonne cause peut être. Je lui ai demandé ce qui allait se passer. Elle m'a expliqué qu'une équipe du secteur allait leur rendre visite en expliquant qu'ils ont été alertés via le 119. Que bien sur ils se douteraient que cela vient d'un voisin mais que je n'avais rien à craindre vu que nous sommes dans un immeuble et qu'ils ne sauraient pas quel voisin. Que l'espèce les questionnerait un par un et les suivrait un moment. Je lui ai demandé si elle pouvait voir si d'autres signalements avaient été effectués pour cette famille et elle m'a dit que non aucun via le 119 mais cela ne disait pas si la famille avait eu des suivis ou alertes par d'autres voies.
Et puis voilà... Après ça rien de plus. Je n'ai pas entendu de nouvelles grosses altercations si ce n'est il y a deux jours lorsque j'ai entendu la mère (via la salle de bain) tenir des propos au petit garçon tels que : " de toutes facons tu n'est qu'une racaille". Je précise que le petit a 6/7 ans grand maximum.je me suis dit à ces paroles si diminuantes que peut être, éventuellement , je lui aurai rendu service à ce petit enfant qui peut être est très turbulent grâce à l'image si peu positive que lui renvoie ses parents .
Et peut être que cet appel n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan , qu'il y a trop d'enfants qui subissent une violence quotidienne banalisée sous couvert d'enfant difficile, éducation, autorité. Trop d'enfants diminués verbalement par leur despotes de parents. Mais comme disait l'autre "on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas ses parents" on les subit parfois de longues années car les coups et les paroles n'auront pas été assez forts pour nous tuer ou alerter les autorités. On finit par essayer de se reconstruire ou on reste détruits pour la vie jusqu'à tout reproduire avec notre propre progéniture.

S.O.S enfants en danger, mobilisons nous car le combat continue.


3 commentaires:

  1. karen ,
    merci pour elle ,
    merci pour ces petits ...

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  2. Tu as bien fait Karen, on a trop tendance à minimiser la violence. Tu as suivi ton instinct tu ne peux pas te tromper. Ces enfants et cette femme n'ont pas encore le nez cassé mais ils vivent manifestement dans un climat de violence donc il est bon que cette famille entende de l'extérieur qu'il est possible de faire autrement. Tu as eu beaucoup de courage. Bisou

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  3. tu as été très courageuse et tu as eu entièrement raison !!! je pense qu'il vaut mieux vivre avec le doute d'avoir fait pour rien que celui de n'avoir rien fait... je revis souvent une scène à l'hôpital de Corbeil, j'attendais de voir un professionnel pour la bronchiolite de Sarah, il y avait beaucoup de parents et d'enfants qui attendaient avec nous dans la salle d'attente... un petit garçon avec sa maman s'impatientait, l'heure du repas arrivait, i l avait un bandage aux mains... il commençait un peu caprice, et sa mère essayait de le calmer en lui disant "chut"... et après quelques minutes sans succès, je l'ai vu presser les doigts bandés de l'enfant, et l'enfant s'agenouiller sous la douleur, et les larmes coulaient, sans bruit, j'ai dit à mon mari que j'allais aller à l"Accueil, que je devais le signaler, il a été catégorique, "tu restes là et tu te tais"... je pense très souvent à ce petit garçon et j'ai honte... tu es très courageuse !!!et merci à toi pour cette famille !

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